Histoire Des Libertines (72) : Femmes Libres D’Hollywood (7) Katherine Hepburn, Indépendante Ou Garce ?

L’actrice américaine Katharine Hepburn (1907-2003), surnommée «Miss Kate», compte parmi les grands mythes hollywoodiens. Dotée d'un fort tempérament, elle refusait les conventions. Elle a reçu l'Oscar de la meilleure actrice à quatre reprises, un record inégalé, mais elle ne vint en chercher aucun. En 1999, Katharine Hepburn est classée par l'American Film Institute comme la « plus grande actrice de légende du cinéma américain ».

SES DEBUTS : D’UNE FAMILLE BOURGEOISE AU THEATRE

Katharine est l'une des six s d'un médecin urologue pionnier de l'hygiène sexuelle, Thomas Norval Hepburn (1879-1962), et d'une suffragette, Katharine Martha Houghton (1878-1951), une famille cultivée du New Jersey.

Elle est d’une nature indépendante et affirme un caractère bien déterminé. Très tôt, elle s’intéresse aux cours d’art dramatique. En 1921, elle est traumatisée par la découverte de son frère pendu Thomas, probablement à la suite d'un suicide.

À l’âge de 19 ans, elle abandonne ses études et se rend à Baltimore dans une compagnie théâtrale, où elle commence par de petits rôles.

À vingt ans, elle pose nue pour un peintre. Le poète Phelps Putman (1894-1948) dit alors d'elle : « Elle était l'anarchie vivante du cœur. Elle était aussi impolie que la vie et la mort. »

« Garce » — selon ses propres termes —, elle épouse par commodité un homme d'affaires Ludlow "Luddy" Ogden Smith en 1928, pour se plonger sans souci dans sa seule passion, le théâtre. « Luddy » se laisse mener à la baguette par la jeune femme, qui l'oblige à se plier à ses désirs, grâce à son tempérament de feu et son intelligence.

Les débuts de l’actrice au théâtre sont difficiles. Elle obtient ses premiers succès à Broadway en 1931.

A LA CONQUETE D’HOLLYWOOD : RIVALE DE GARBO ET DIETRICH

Les studios cherchent une Américaine capable de concurrencer la Suédoise Greta Garbo, avec une morphologie androgyne, un visage diaphane et une personnalité raffinée.

Lorsque Kate se présente, sa sveltesse et son indépendance impressionnent le puissant producteur de la RKO, David Selznick (1902-1965), qui lui propose, en 1932, son premier film, « Héritage », réalisé par George Cukor, qui deviendra son réalisateur préféré.

Katharine détonne dans cet univers très glamour par son physique, sa façon d’être et de s’habiller, portant pantalon et chemise désassortis, qu'à part Katharine Hepburn à cette époque, seules Greta Garbo et Marlène Dietrich avaient osé porter.

Son tempérament est à l’opposé des stéréotypes féminins de l’époque, incarnés par :

• Greta Garbo, la femme mythifiée (voir « Histoires des libertines (69) : Femmes libres d’Hollywood 5) Greta Garbo », paru le 3 novembre 2020) Garbo et Hepburn eurent une relation saphique discrète pendant plusieurs années

• Marlène Dietrich, la femme fatale inaccessible et à l’érotisme trouble (« Histoires des libertines (68) : Femmes libres d’Hollywood 4) Marlène Dietrich, ange ou scandaleuse», paru le 7 octobre 2020)

• Mae West (« Histoires des libertines (63) : Femmes libres d’Hollywood 1) Mae West, la sex-symbol», paru le 20 août 2020) ou encore Jean Harlow (dont je parlerai ultérieurement), stars à la sexualité agressive.

Hepburn va incarner les nouvelles héroïnes de l’écran : indépendantes et actives, affirmant leur personnalité propre, non pas dans la sécurité du mariage, mais dans la volonté d’agir de façon égale, sinon supérieure, à celle d’un homme. Très vite, tous les producteurs, réalisateurs et vedettes, vont tomber sous son charme et seront les victimes de son caractère.

En 1933, le « Code Hays » est adopté et une autocensure de la part des studios sévit dans le milieu du cinéma. Les films hollywoodiens se doivent d'être moraux et les acteurs, liés à ces studios, sont obligés de se tenir à carreau. Kate ne s'en soucie gère, coupe sa longue chevelure, enfile son pantalon et se fait passer pour un garçon dans « Sylvia Scarlett » de George Cukor avec Cary Grant.
Malgré son statut de star, le film est un échec retentissant car trop avant-gardiste pour l'époque : l'on y voit Katharine embrasser une autre actrice sur la bouche. Outrage ! Scandale ! L'Amérique du Code Hays est choquée et les acteurs sont hués lors de l'avant-première.

Bien que le public commence à l'aduler, beaucoup de ses films sont des fiascos et on la surnomme « poison du box-office ». Peu à peu les portes des studios se ferment. Ainsi Hepburn va connaitre, à la fin des années 30, le même sort que certaines de ses rivales comme Marlène Dietrich et Joan Crawford (voir « Histoires des libertines (70) : Femmes libres d’Hollywood 6) Joan Crawford », paru le 17 novembre 2020), à savoir de nombreuses critiques et un relatif passage à vide.

Elle renoue pourtant avec le succès dès 1938, pour son dernier film à la RKO dans l’extraordinaire comédie « L'Impossible Monsieur Bébé » d’Howard Hawks.

SPENCER TRACY, L’HOMME DE SA VIE

On lui a prêté une liaison avec le réalisateur John Ford (1894-1973), avec lequel Hepburn partageait une même passion pour le cinéma qui les entraîne dans des discussions violentes et animées. Ford aime la ferveur, la curiosité, le franc-parler de la belle brune, mais ne se résout pas à tomber dans ses bras, et pour cause, il est marié. Le temps passe, leurs sentiments se consolident et John Ford annonce à Katharine qu'il va quitter sa femme pour elle. Ca ne se fera pas.

Katharine se laissa aussi séduire par le très fantasque milliardaire Howard Hughes (1905-1976). Homme à femmes, Hughes collectionnera les maitresses parmi les stars d’Hollywood, parmi lesquelles Joan Crawford, Joan Fontaine, Ava Gardner, Jean Harlow, Rita Hayworth, ou encore Lana Turner. Nous aurons l’occasion de reparler de certaines de ces grandes actrices.
Amants et associés, Hugues et Hepburn vont acheter les droits de la pièce « The Philadelphia Story » et l'infatigable Kate triomphe deux années durant sur les planches.
Les studios s'intéressent de nouveau à elle, mais elle fait monter les enchères. Elle fait son entrée parmi les stars de la firme Metro-Goldwyn-Mayer avec un contrat de longue durée, assorti de privilèges, dont celui de pouvoir choisir ses partenaires.

Après le succès du film « Indiscrétions », elle reçoit un scénario de Ring Lardner Jr., Michael Kanin et Garson Kanin, « La Femme de l'année » : c’est la rencontre avec Spencer Tracy (1900-1967), celui qui allait devenir l’homme de sa vie. Ils formeront un des couples les plus célèbres de l’histoire du cinéma et tourneront neuf films ensemble.

A l'écran, Katharine Hepburn et Spencer Tracy sont chacun au sommet de leur carrière lorsqu'ils se rencontrent.

A l'écran comme à la ville, ce premier film fut le cadre d'un improbable coup de foudre. Lui, fervent catholique, marié avec trois s, conservateur et bourru. Elle, féministe, progressiste, glamour et farouchement attachée à sa liberté : rien ne prédestinait ces êtres que tout oppose à s'entendre.

L'acteur est aussi brut qu'elle est élégante. Pourtant : entre ces deux monstres sacrés, le courant passe tout de suite. Chapitre premier d'une liaison adultère qui restera l'une des plus belles histoires d'amour du cinéma, mais aussi l'une des plus secrètes. Spencer Tracy se refusera toujours à divorcer de sa femme alors qu’il avait multiplié les relations adultères, en particulier avec Myrna Loy, Joan Crawford ou encore Ingrid Bergman. Tout comme il tient à ce que le secret (de polichinelle dans le milieu) de leur liaison ne soit révélé au grand public.

Hepburn se consacre à l'amour de sa vie. Pour lui, elle accepte ce qu'elle a refusé à tout autre : rester dans l'ombre, être l'illégitime. Elle se dévoue toute entière à Spencer Tracy, jusqu'à mettre sa carrière entre parenthèses pour le soigner de son alcoolisme. Jusqu'à sa mort, elle reste à ses côtés. Jusqu'au bout ils se vouent un amour aussi profond que secret.
Ainsi, à la mort de son âme sœur, Katharine devra faire l'ultime sacrifice : « La rumeur », comme l'appelait madame Tracy, n'assistera pas aux funérailles de son grand amour. Privée de sa moitié, l'actrice ne refera pas sa vie et jusqu'au bout aura des mots tendres pour son partenaire de vie et ne regrettera rien.

C’est aussi l’époque où Katharine s’oppose avec courage au maccarthysme.

Son contrat avec la MGM se termine en 1952. Après un retour triomphal à Broadway, Hepburn connait un grand succès avec le film de John Huston, avec Humphrey Bogart : « L'Odyssée de l'African Queen » (1951).

Après les années 1950, ses apparitions sur le grand écran se font plus rares, mais sont toujours saluées aussi bien par la critique et le public que par les professionnels.

KATHARINE INDEPENDANTE ET BISEXUELLE

Indépendante dans sa profession, Katharine Hepburn le fut aussi dans sa vie privée.

Dans son livre paru en 2006, « Kate: the Woman Who Was Hepburn », William J. Mann affirme qu’Hepburn préférait la compagnie sexuelle des femmes. Hepburn était donc, comme Garbo, Dietrich et Crawford, bisexuelle.

À la lumière de la correspondance de la comédienne et d’entretiens avec ses proches, l’auteur de cet ouvrage en est venu à la conclusion que Katharine Hepburn considérait être un homme, ce qu’elle exprimait notamment au travers de son alter ego, Jimmy.

Selon le livre de William J. Mann, Katharine Hepburn a eu beaucoup de liaisons féminines, sa première à l’université avec une amie dévouée qui s’appelait Alice Palache fut brève et fut suivie par une longue romance avec l’actrice Laura Harding.

Ensuite elle eut pour amoureuses les actrices Nancy Hamilton (1908-1985), Frances Rich (1910-2007), Constance Collier (1878-1955), Elissa Landi (1904-1948) et plein d’autres encore.
Dans un documentaire de 2017 la journaliste Liz Smith, qui était une amie proche de Hepburn, a confirmé que Hepburn était lesbienne.

Mann mentionne le rôle de Scotty Bowers (1923-2019), un homme qui arrangeait des rencontres et fournissait des partenaires à la communauté homosexuelle de Hollywood, y compris à Spencer Tracy ! Scotty aurait présenté près de 150 partenaires sexuelles à Hepburn ! Scotty, proxénète et prostitué, raconte dans son livre « Full Service » que Hepburn ne voyait la plupart d'entre elles qu'une ou deux fois.

Il y eut cependant une exception notable: une jeune femme de 17 ans nommée Barbara. Peu de temps après l'avoir rencontrée, Hepburn lui offrit une voiture Ford Fairlane ; elle reverra Barbara durant quarante-neuf ans. Trois mois avant la mort de Katharine Hepburn en juin 2003, Barbara, mariée trois fois au cours de cette période, reçoit une lettre de ses avocats, accompagnée d'un chèque de 100 000 dollars !

Katharine Hepburn serait arrivée à cacher son homosexualité à la presse car elle ne se considérait pas elle-même comme une lesbienne : pour elle, une lesbienne était une femme masculine, ce qui n’était pas son cas ni celui de ses amies.

Même sa relation de 25 ans avec l’acteur Spencer Tracy aurait été dans la même veine. Elle l’aima assez pour lui servir d’infirmière sur les cinq dernières années de sa vie, mais malgré leur longue liaison ils ne vécurent jamais dans la même maison. Mais ils s’adoraient et se voyaient très souvent, appréciant d’être en compagnie l’un de l’autre.

Un article du « Hollywood Reporter » paru en 2015 va plus loin, affirmant que l’histoire d’amour entre Katharine Hepburn et Spencer Tracy avait été montée de toutes pièces par le studio et que les comédiens étaient tous deux homosexuels et se servaient de couverture l’un à l’autre.

Cette thèse est sans doute exagérée, car les liaisons masculines de Hepburn avec son mari « Luddy », avec Ford, avec Hugues et surtout avec Tracy sont avérées. Ce qui est certain en revanche est que la star était davantage lesbienne que bisexuelle.

FEMME LIBRE

Contrairement aux grandes stars, Katharine protégea farouchement sa vie privée, et se tint autant que possible loin du regard du public. Indépendante, entretenant volontiers l'ambiguïté sur ses préférences sexuelles, pilote d'avion, fumeuse de cigares, Hepburn troque dans son intimité les robes de soie contre des pantalons et n'hésite pas à se grimer en homme pour les besoins d'un film. Avec sa personnalité affirmée, son caractère fier et son attachement farouche à sa liberté, Katherine Hepburn préfigure la féministe moderne : une femme de tête. En coulisses pourtant, elle se laisse gouverner par son cœur.

Avec un physique fin, délicat, presque fragile, l’apparence svelte et gracieuse de Katharine Hepburn contrastait fortement avec son caractère volcanique. Libre et indépendante, l’actrice avait l’ambition de réaliser ses rêves et rien n’aurait pu l’en empêcher.

Katherine Hepburn a incarné à la ville comme à l'écran une femme libre, moderne, fantaisiste et entreprenante, sa personnalité se confond avec ses personnages, souvent inspirés d'elle. Elle a renvoyé aux femmes l'image d'une femme indépendante et les a faites se rêver séductrices en pantalon.

PARMI LES SOURCES :

Je renvoie à l’article Wikipédia dont je me suis inspirée, ainsi qu’au lien suivant : https://www.sisilesfemmes.fr/2016/12/21/katherine-hepburn/

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